Réminiscence d'une journée particulière [PV Argawaen Ly'llandril]

~ Il y a vingt ans, au début de la guerre ~

Elle avait tout prévu. Des bougies brûlaient, éparses, dans la petite pièce étroite. Une odeur de fleur flottait dans la pièce -un pot pourri de sa composition, aux vertus apaisantes- et enfin, le plus important, son miroir à pied trônait près de la table. Cassiopée avait pris place devant et semblait songeuse. Des images se succédaient. Des femmes et des hommes de toutes races. On pouvait les voir par bribes, chaque séquence défilant à une vitesse de plus en plus délirante. Jusqu'à ce que l'image cesse de se brouiller pour ne plus montrer qu'un seul homme. Lui. Ce serait à lui qu'elle viendrait en aide aujourd'hui. Un grand Elfe aux longs cheveux bruns. Il avait cette façon de se tenir, si droit, si ferme, qu'on avait l'impression que tout chez lui inspirait la solennité et l'intransigeance.

Elle le vit errer dans les rues de Rigalen, poussé par un instinct qu'il ne comprenait pas et une curiosité qu'il considérait comme étrange. Il n'avait rien à faire ici et il le savait. Alors pourquoi était-il là ? Seule Cassiopée avait la réponse et elle attendait impatiemment son invité. Elle se leva et alla chercher une grande théière tout en regardant distraitement le miroir et les images qui continuaient d’apparaître.

L'Elfe s'était soudainement arrêté devant une boutique. La devanture y clamait "A chacun son sort !". L'austérité du personnage tranchait nettement avec le fourre-tout du magasin. Pourtant, l'Elfe pénétra dans le commerce. Rassurée par la tournure des événements et enfin persuadée de ce qui allait se passer, Cassiopée se rendit dans la cuisine. Elle savait que d'ici une dizaine de minutes, l'Elfe débarquerait dans son salon sans comprendre comment il était arrivé là, et elle voulait à tout prix l'accueillir avec des gâteaux aux gingembres. Ce n'était pas tous les jours qu'elle pouvait prédire l'avenir du général en chef des armées elfiques...

J'avais l'impression de ne pas être vraiment conscient de mes actes. Comme si je me trouvais hors de moi et que je me regardais marcher dans la rue. J'essayais de dire à ce grand dadais d'Elfe "Hey, réveilles toi ! Tu as des responsabilités ! Qu'est-ce que tu fais à te promener comme ça ? C'est pas ton genre !" Non, c'était pas mon genre. Pourtant je continuais à traîner dans cette ville qui m'était étrangère, comme poussé par une force qui n'émanait pas de moi. Et c'était forcément troublant.
J'étais venu ici pour rencontrer un indicateur, dans le plus grand secret. Quelqu'un de haut placé, d'où le fait que je m'étais moi-même rendu sur les lieux -oui, en tant que commandant, il m'était difficile de m'absenter d'Elùnah sans une bonne raison-. Il ne devait pas être plus de 10h et les rues étaient déjà bondées. Un vrai quartier cosmopolite ! Il y avait des vampires bien sûr, mais aussi des Elfes, des animorphes - sous forme féline ou non-, quelques lycans et même des humains ! Bien sûr, la guerre avait été décrété il y a peu de temps, personne ne savait s'il fallait prendre l'affront de ce Trajan au sérieux, alors personne ne s'affolait. Mais j'avais eu des retours peu glorieux de mon équipe d'infiltrés. Des informations qui ne me plaisait, mais alors, pas du tout ! Et me voilà, à déambuler dans les rues de Rigalen. Je savais que mon rendez-vous était extrêmement important, je savais que ce que j'y apprendrais serait crucial pour l'avenir d'Amaranth tout entier, et pourtant, pourtant... Je m'éloignais de plus en plus du lieu choisi ! Pourquoi ? Comment ? Je n'en savais rien. Je leva ma montre et m'aperçue qu'il me restait encore une bonne heure avant de devoir me rendre à la buvette du taureau fou. Un bar qui faisait fuir les clients, ça c'était certain ! (Avec un nom pareil, rien d'étonnant). Mais on y serait au calme, l'indic et moi.
J'allais me faire violence et commencer à retourner sur mes pas quand je me retrouva devant une petite boutique des plus farfelues. Et là, impossible de me retenir. J'étais poussé comme par un aimant invisible, et je franchis le seuil. Une petite sonnette claironna, annonçant ma présence au propriétaire de ce.. de ce.. Mais qu'est ce que c'est que ça ?, pensais-je, horrifié. J'étais au milieu de meubles et d'ustensiles plus étranges les uns que les autres. On aurait plutôt dit un géant débarras qu'une boutique de sorts ! Un débarras dont la propreté était sérieusement à revoir d'ailleurs !
Je n'eus pas le temps de m'épancher davantage qu'une petite bonne femme sortit précipitamment d'une armoire à ma gauche, les bras chargé de bagages en tout genre. Oui. Elle sortait.. d'une armoire. Oooook, j'allais faire demi-tour quand la femme me héla :

- Bonjour Monsieur, bienvenue au palais des sorts ! Qu'est-ce qu'il vous faut ? Quelque chose pour vous rendre plus fort ? Un sortilège pour embêter un voisin peut être ?

Elle remonta ses lunettes et vis mon air ébahi avant de se tapoter le front et de s'exclamer :

- Ah mais bien sûr ! Vous êtes venu pour un charme amoureux n'est-ce pas ? Où avais-je la tête !

- Euh, je.. Non ! dis-je peut-être avec trop de brutalité, à vrai dire, je ne sais pas pourquoi je suis entré ici, ça été plus fort que moi... Vous m'excuserez pour le dérangement, je... Je dois y aller, hein !

Fermement décidé à sortir cette fois, j'avais la main prête à se poser sur la poignée de la porte de sortie quand je l'entendis murmurer un vague "Mmmh, oui, oui ça doit être pour Madame Cassiopée, ça c'est certain !" avant qu'elle ne me pousse contre un mur d'où était accroché un grand miroir. Je m'attendais juste à percuter le mur, outré -j'allais engueuler cette bonne femme, non mais, d'où elle pousse les clients celle-là ?!- quand je fus happé par le dit-miroir. Et en quelque secondes je fus... ailleurs.

Cassiopée, occupée à disposer ses petits gâteaux sur une coupelle, entendît soudainement un PLOP suivit d’un bruit de chaise renversé et d’un « Mais qu’est-ce que .. ?! », scandalisé.

Aaaaaaah ! Son précieux invité venait d’arriver ! Il faudrait qu’elle pense à remercier Murielle pour son aide.

Toute guillerette, elle sortit de la cuisine sous les yeux ébahis de l’elfe. Elle posa la théière encore fumante sur la table et tendit son assiette, toute fière d’elle :

- Une petite douceur ?

L’expression de l’elfe n’ayant pas changé d’un pouce –ahurissement, prosternation, incompréhension- elle se dit que ce n’était finalement pas le bon moment.
Certains de ses clients –même s’ils étaient choisis par le miroir et donc sans relation aucune avec la sorcière- s’adaptaient facilement à cet univers étrange, et acceptaient le fait de ne pas comprendre comment ils étaient arrivés chez elle. Et les autres…
Et bien les autres, avaient tendance à beuguer pendant généralement une dizaine de minutes. Ce qui était fort désagréable, car Cassiopée ne savait jamais quoi dire dans ces cas-là !

Elle ramassa la chaise, s’y assit, résignée, et soupira faiblement tout en regardant le cinéma de l’elfe.
Ce dernier se mit à ouvrir la bouche. A la refermer. Puis la rouvrir. Avant de finalement lancer un regard consterné vers le miroir.

Cassiopée, lassée d’attendre, s’adressa à lui :

- Il me semble que vous êtes pressé, Commandant Ly'llandril, aussi vous feriez mieux de vous asseoir pour que l’on puisse s’y mettre maintenant !

Elle lui montra la chaise en face d'elle avec un sourire railleur.

Je n'aimais pas la magie. Oui, pour quelqu'un qui vivait en plein dedans c'était assez curieux, et c'est bien pour cela que je me taisais à ce propos, les gens d'Amaranth ne cessant d'y avoir recours, voire en abusaient. Moi, mon domaine c'était le Qi. Don que se transmettait avec ferveur toute ma famille depuis de nombreuses générations. Cela expliquait sûrement le fait que je bloquais sur tout ce qui venait de se passer.

Bon. Rapide tour de la situation : on m'avait poussé, influencé malgré moi à rentrer dans cette boutique. Ensuite la vendeuse m'avait poussé contre un miroir. Et en quelques instant je me retrouvais ici. Je jetai un coup d’œil à la glace sur ma gauche. Il s'agissait d'un portail en fait. Intéressant... Ensuite j'étais en présence d'une femme à l'allure elle aussi assez... excentrique. Jeune, plutôt jolie, des cheveux rouge sombre cascadant sur une de ses épaules, un maquillage cependant outrageusement forcé et un style vestimentaire des plus farfelus. Elle portait une robe noire rouge et verte, avec une sorte de poncho marron sur les épaules, et un grand collier autour du cou pendait sur sa poitrine... Une sorte de sablier, avec des inscriptions illisibles le parcourant.

Elle m'indiquait toujours la chaise, un sourire moqueur sur le visage. L'ignorant superbement je lui demanda :

- Etes-vous la seule à posséder un tel portail ? Je n'en avais encore jamais entendu parler, et pourtant je suis au courant de pas mal d'innovations dans le pays...

Elle fit la moue, mécontente de sa réponse. Oui, il l'avait surprise, et ce dont ce targuait Cassiopée par dessus tout c'était sa façon particulière qu'elle avait de déconcerter les gens. Alors quand les rôles s'inversaient, la frustration pointait le bout de son nez.

Agacée, elle répondit d'un air vague :

- Ah, oui, le système des miroirs, je l'ai mis au point il y a de ça un vingtaine d'années maintenant, dit-elle en secouant la main comme si ce n'était qu'une bagatelle. Maintenant si vous voulez bien vous asseoir, Commandant...

L'Elfe dût remarquer l'insistance et le ton impatient de la sorcière, car il s'assit enfin sur la chaise en face d'elle. L'humeur de Cassiopée changea radicalement. Avec un grand sourire, elle fourra une friandise au gingembre dans la main de son invité puis claqua des doigts. Toutes les bougies présente dans la pièces s'allumèrent, donnant à la pièce un aspect plus.. Mystique. Satisfaite, elle plongea son regard dans celui de l'Elfe et prononça d'une voix douce :

- Si vous êtes ici c'est parce que le Destin a voulu que nos chemins se rencontrent. Vous avez le choix : accepter cette chance et me laisser prédire votre avenir ou bien repartir, plongé dans l'ignorance la plus totale. Sachez toutefois que ce privilège n'est accordé qu'à des personnes dont la destinée changera particulièrement la face du monde, d'une manière ou d'une autre...

Voilà. Elle avait dit ce qu'elle avait à lui dire. Maintenant, la décision lui revenait.

Une vingtaine d'années ?! Mais elle ne paraissait même pas en faire plus de 25 ! Encore et toujours de la magie ! Quelle âge pouvait-elle bien avoir vraiment, je me le demande...
Mes réflexions furent stoppés par ce ton semi impérieux qu'elle utilisa pour me faire asseoir. De mauvaise grâce, et comme elle avait répondu à ma question (bien que vaguement) je lui rendis ce service. Aussitôt, elle mis un biscuit entre mes mains -que je regardai avec suspicion, je dois l'avouer- puis elle claqua des doigts. La luminosité changea immédiatement. Des bougies (un nombre incalculable de bougies !) éclairaient la pièce. Je jetai un coup d’œil au miroir qui reflétait ces minuscules lumières dansantes et eu un frisson de surprise. En effet, le reflet se mit à onduler et à se déformer, comme si le miroir était... tenté de nous montrer autre chose mais qu'il avait saisi que ce n'était pas le bon moment. Le reflet lisse et intact réapparut de nouveau à la surface du miroir, et la voix de Cassiopée s'éleva dans la salle. Je la regarda et vit avec quelle insistance elle s'adressait à moi.
Une fois sa tirade terminée il prit le temps de réfléchir avant de lui répondre.
Elle avait mentionné le Destin. Chez les Elfes il s'agissait d'une divinité. Je ne savais pas si elle avait mentionné ce nom pour me convaincre, car quoique je n'aime pas la magie, je ne pouvais ignorer le don d'un Dieu. Elle avait également parlé de ma destiné, qui... changerait la face du monde ? Mais je croyais avoir déjà fait ma part, et le fait d'accéder au rang de Chef des armées était selon moi, largement suffisant ! Est-ce que cela avait à voir avec la guerre qui se préparait ? Est-ce que j'y jouerais un rôle prépondérant ?

Je savais que connaître des éléments sur son avenir pouvait me rendre fou, mais étant aussi un homme pragmatique, je pensais qu'avoir ses informations me permettrais de changer mon destin, que ce dernier n'était pas à proprement parlé figé. Ma décision était prise. La femme aurait pu être une grande escroc, un charlatan de première que j'aurais tout de même accepté. Mais quelque chose me disait qu'elle avait véritablement des dons de sorcières...

- J'accepte, lui dis-je solennellement.

A la bonne heure ! Cassiopée lui présenta son plus magnifique sourire avant de sortir un petit sachet de velours rouge rempli de coquillages -de Cauri plus précisément- et d'osselets.
Elle versa son contenu dans sa main puis, de l'autre attrapa son pendentif en forme de sablier qu'elle retourna et posa sur la table. A peine l'avait-elle retourné qu'une lueur verte émana des grains de sable qui commençaient déjà à s'écouler lentement. Cassiopée se pencha, puis délicatement souffla sur le sablier. Bien qu'il soit en verre, un petit nuage de poussière verte s'en échappa, traversant les parois comme si elles étaient totalement inexistantes.
C'était le moment. Cassiopée, d'un geste habile, renversa les Cauri et les osselets qui s'éparpillèrent sur la table de façon désordonnée. Désordonnée, certes, mais qui avait tout de même du sens pour celui qui savait lire les signes.
Le sable s'était évaporé mais les instruments de prédictions avaient conservés cette couleur verte pétillante et luisaient faiblement.

Argawaen regardait la scène avec une attention extrême, complètement déboussolé par le rituel qu'il était entrain d'observer et qui -Cassiopée en était sûre- lui était totalement inconnu.

Après quelques minutes d'intense réflexion, elle se lança :

- Vous aurez une très longue vie commandant Ly'llandril. Oui... Une très longue vie, pour un Elfe. Et vous êtes bien le digne héritier de vos ancêtres, aucuns doutes là-dessus.

Elle continuait à contempler le schéma complexe qu'avaient dessinés les coquillages entremêlés d'osselets, tout en lui parlant.

- Je peux tout d'abord vous affirmer une chose : vous allez rencontrer votre âme-soeur.

J'avais suivi le moindre de ses gestes avec attention. En fait, je soupçonnais son sablier d'être un artefact magique et elle d'en être le réceptacle et le contrôleur. Mais je n'avais pas pu deviner quelle puissance avait cet objet ni en déceler la provenance. Il y avait des tonnes d'inscriptions et de signes géométriques gravées sur les parois, mais aucune qui ne m'évoqua quoi que ce soit. Cependant, j'étais persuadé qu'elle possédait d'autres artefacts que celui-là, et tout dans cette pièce ou sur elle aurait pu rentrer dans cette catégorie -le miroir, même si elle m'avait dit l'avoir fabriqué elle-même, ses bijoux...-.

Puis elle avait brisé le silence pesant qui s'était formé pour m'annoncer cette grande nouvelle. J'allais rencontrer mon âme-sœur. Mon... Âme-sœur ?
L'idée même me semblait étrange et... fortuit. Depuis que j'étais enfant, je n'avais jamais su parler aux femmes, et encore moins tisser d'autres liens avec elles que ceux de la diplomatie ou des relations professionnelles. J'avais tout simplement écarté cet aspect là de ma vie. Tous ces sentiments affectifs, alors que dehors une guerre faisait rage c'était... Et bien c'était complètement surréaliste. Et puis mon âme-sœur ?? Elle aurait pu me dire que je rencontrerais une femme charmante et que nous tomberions amoureux, mais de là à la qualifier comme ça...
Une bouffée de chaleur envahit mes joues. Il m'arrivait très rarement de rougir, mais quand cela arrivait, je ne faisais pas semblant.

J'étais tout à fait mal-à-l'aise maintenant. J'ouvris la bouche pour lui répondre quand elle me prit de court.

- Ne vous emballez pas, s'empressa d'ajouter Cassiopée en levant une main comme pour stopper net le bouillonnement des pensées de l'Elfe (quel pouvait sentir sans même le regarder).

Le dessin qu'avait formé les Cauris empêchaient le dénouement heureux d'une telle rencontre. Sans prendre de baguettes elle ajouta :

- Cet amour vous fera énormément souffrir car il sera à jamais sans retour.

Elle vit le visage d'Argawaen se décomposer. Littéralement. Ce n'était pas ma première fois qu'elle annonçait quelque chose du même genre mais avec le temps elle avait pris plus d'assurance et son cœur s'était endurci. Maintenant, elle ne voyait plus l'intérêt de prendre des chemins détournés, ou d'enrober une vérité cruelle. L'amour, par sa définition même, faisait mal. Atrocement mal. Pourquoi le nier ? Elle en avait elle-même fait l'atroce expérience -qu'elle ne voulait plus jamais retenter d'ailleurs- alors elle avait décidée d'être honnête, comme elle aurait voulu qu'on le soit avec elle.
Cela ne rendait pas la chose plus facile à accepter pour autant. Elle attendit patiemment que l'Elfe ne se remette de ses émotions avant de lui annoncer une nouvelle pire encore... Qui découlait indéniablement de cet amour impossible.

Un amour... sans retour ?

Et bien on y était... Il fallait bien une brebis galeuse dans la famille et il fallait que ce soit moi. Ce que m'annonçait Cassiopée était tellement étrange et lointain de ce à quoi je m'étais attendu ! Avec ma situation (qui requérait énormément de travail et d'investissement personnel), je pensais plus entendre de la bouche de la sorcière quelque chose en rapport avec la guerre qui s'annonçait, où je ne sais pas moi ! Mais non. Voilà qu'on me parlait d'amour. Moi qui en avait fait quelque chose de si profondément abstrait, d'éloigné de ma nature. On m'affirmait maintenant que j'allais tomber éperdument amoureux et que j'allais en souffrir ? Moi? le guerrier ?
Mon Qi afflua malgré moi dans mes mains, tandis que je serrais la table jusqu'à m'en blanchir les articulations. Un craquement survint. Mon regard se détourna des objets posés sur la table pour s'apercevoir que je détruisais tout simplement l'armature en bois massif.

- Désolé, bredouillais-je, confus.

Je ne savais plus quoi penser. Je posa alors ma seule et unique question :

- Cela va-t-il se dérouler bientôt ?

Après tout, peut être pouvais-je m'y préparer et lutter contre cet amour infructueux, si le Destin m'en laissait le temps...

Cassiopée passe outre la dégradation de biens matériels, persuadée que l'annonce de son avenir, en elle-même était assez destructeur en soit pour ne pas en rajouter.
Elle lui répondit :

- A l'heure qu'il est, l'élue de votre cœur n'est pas encore née, rassurez-vous. Vous la rencontrerez à l'aube de ses 21 ans.

La nouvelle parut le détendre un peu (ou alors, il faisait preuve d'une meilleure maîtrise de soi). Cassiopée n'attendit pas trop avant de lui annoncer la nouvelle suivante.

- Cependant, cet amour non partagé vous laissera seul jusqu'à la fin de vos jours. La lignée des Ly'llandril s'éteindra avec vous... acheva-t-elle.

On ne pouvait pas faire pire je pense... Elle n'était même pas encore née ! Est-ce que ça fera de moi une sorte de... pervers ? Parce que dans 21 ans j'aurais quoi, le triple de son âge quasiment, avec derrière moi une carrière militaire plus qu'une grande connaissance des choses de la vie. Et puis c'est quoi ça, c'est absurde, bien sûr qu'elle refusera de sortir avec quelqu'un de l'âge de son père ! Je ne peux décidément pas croire que je vais tomber amoureux d'une enfant. Non, pas moi. J'ai trop le sens des responsabilités. Elle aura beau avoir toutes les qualités du monde, l'âge sera toujours un obstacle.

Perdu en plein milieu de mes réflexions, j'entendis la nouvelle prédiction de Cassiopée comme un lointain son de cloche. Le temps que l'information circule, qu'elle prenne tout son sens, et ça y est, je les entendais les cloches, des bonnes grosses cloches qui tambourinaient dans mon crâne *DONG DONG DONG*. Ah tiens, les cloches suivaient étrangement mon rythme cardiaque.

La lignée des Ly'llandril s'éteindra avec vous...

Pas d'enfant. Pas de descendance. On ne m'avait même pas laissé le temps d'en vouloir que maintenant on m'en retirait toutes possibilités... J'apportais la honte et le déshonneur sur toute ma famille moi que l'on croyait voué au même grand destin que mes ancêtres. Tous des guerriers. Tous des amants. Tous des pères. Je ne pourrais représenter qu'un tiers de cet héritage perpétuel...

Devant le monologue intérieur sans fin de son interlocuteur, Cassiopée décida de se servir allègrement dans la fournée de petits biscuits et d'attendre quelques minutes, que le temps passe. D'abord, l'Elfe parut ne s’apercevoir de rien. Puis, il constata le remarquable manque de tact de la sorcière et lui décocha un regard outré, comme pour la réprimander de n'en avoir rien à faire de ce qu'elle venait de lui annoncer. Certes sans remords, Cassiopée n'en posa pas moins le cinquième gâteau qu'elle venait d'attraper, comme pour s'excuser, puis attendit un signe de la part d'Argawaen, l'invitant à continuer.

Cinq minutes passèrent... Toujours rien... La patience était peut être une vertu chez les Elfes, mais l'humaine elle, commençait à sérieusement s'impatienter.

- J'ai encore une dernière chose à vous annoncer, dit-elle en rompant le silence.

Les yeux du commandant auparavant troubles s'écarquillèrent pour se poser sur Cassiopée. Elle avait parlé d'une voix rauque et profonde, peut être un peu alarmante. En fait, ce n'était pas du tout dans ses intentions, c'était juste que d'avoir passé tant de temps sans parler avait enroué un peu sa gorge, d'où l'effet de cette voix imposante cassant l'absence totale de bruit dans la pièce.

- Vous allez rencontrer un jeune homme aux pouvoirs prometteurs, et il deviendra votre disciple. Ce sera pour vous la seule façon de transmettre votre héritage culturel et surtout militaire -si je puis dire...- tiré de l'enseignement de votre propre famille.

Et bien... Quelle compensation... Soudain las et harassé de fatigue, je plongea mon visage entre mes mains tièdes. Elles étaient moites, et ce n'était pas du tout agréable, mais j'avais besoin de faire le vide. De toute ma vie je ne m'étais jamais senti aussi abattu. Je repensa soudainement à l'enterrement de mon grand-père. Celui qui avait été un véritable mentor pour moi et qui m'avait tout appris. Lorsqu'il était parti, me laissant seul sur cette terre de désolation et de guerre, je ne lui en avais pas voulu. A vrai dire, j'étais même plutôt soulagé, il avait vécu une belle est très longue vie à Elùnah. Et puis nous nous retrouverions dans une autre vie, j'en étais certain.
Pourquoi repensais-je à lui déjà ?
"Le plus grand obstacle à la vie est l'attente qui espère demain et néglige aujourd'hui..." l'entendis-je me chuchoter au creux de mon oreille.
Je me redressa tout à fait alerte. Il n'y avait personne, à part Cassiopée en face de moi, qui me regardait de façon tout à fait normale. Visiblement, elle n'avait rien entendu.
Ce devait être le fruit de mon imagination...
Mais, un je ne sais quoi me disais que même mon subconscient ne pouvait m'avoir soufflé des mots aussi justes. Je n'étais tout simplement pas en état pour ça.
Encore une fois, mon grand-père avait voulu m'aider dans ces instants déroutants et sombres. Et il avait réussi !
A quoi bon se soucier de l'avenir au détriment du présent ? Il me restait tellement d'autres choses à vivre !

- Merci pour... tout ce que vous faite, dis-je simplement.

Il en avait fallut du temps ! (HS : pour ma réponse aussi en fait... Rolling Eyes

)
Enfin une bonne chose de faite ! Quoi que...
Cassiopée avait bien envie de transgresser les règles et de donner quelques conseils au très bel elfe qu'elle avait devant elle (oui oui, il a un peu de charme..) alors, de but en blanc, elle lança :

- Je vous conseille de vous endurcir. Vous êtes un combattant Commandant. Barricadez votre cœur et avec le temps, vous pourrez peut être faire face avec dignité à toutes mes prédictions...

Une sonnerie stridente retentit dans la pièce faisant sursauter l'elfe qui se leva rapidement et se mit en position défensive. Cassiopée avait déclenchée l'alarme pour mettre fin à cette entrevue. Mieux valait prendre les gens par surprise, elle savait qu'autrement ils pouvaient toujours trouver le moyen de la harceler pendant des heures pour avoir des explications supplémentaires etc., etc.
Alors elle poussa promptement Argawaen encore à demi accroupi qui, surpris, fut projeté latéralement contre le miroir. Elle l'observa encore quelques minutes débarquer dans la boutique par un roulé-boulé tout à fait maîtrisé. Il lança un dernier regard au miroir. Elle était consciente qu'il ne la voyait pas mais ce qu'elle vit fut un visage ferme à la mine résignée... mais dont les yeux exprimaient plus une tristesse infinie. Peut être réussirait-il à enfouir toutes ces informations au plus profond de lui et vivre dans la quiétude pendant un temps, mais Cassiopée savait que ces démons réapparaîtraient. "Barricadez votre cœur, Commandant..."

THE END

Rp clos et points d'xp distribués !

» Les volcans appelent des expériences. [Argawaen][CLOS]
» L'inconnu [PV Argawaen]
» Une dur journée... [Pv a qui voudra]
» Journée d'éxpérimentation
» I want to bleed you ! [Drake, Argawaen]