L'inconnu [PV Argawaen]

C'était une journée normale. J'étais dans ma forêt, il ne faisait pas spécialement beau, mais il ne faisait pas froid non plus. Le vent secouait les feuilles et apportait l'odeur du sous bois à mes narines. Quelques rares oiseaux chantaient, surement ceux qui n'avaient pas encore d'oeufs à couver. C'est toujours cette atmosphère calme de ma forêt qui me faisait revenir ici dès que je le pouvais. caslon et moi commencions même à avoir nos habitudes.

Pendant la journée, il m'aidait pour ma rééducation et j'avais presque déjà récupéré toute ma force. Il me manquais encore pierres dans le sac pour que je sois au même niveau que le gauche. En attendant de pouvoir reprendre des missions, j'alternais mes séances de musculations avec quelques exercices de passe-d'arme durant lesquelles je découvrais ma nouvelle épée. A certains moments, elle devenait si légère que je pensais la perdre des mains. Mais l'instant d'après tout son poids me revenais dans les mains.

Dans dans ce type de période de ma vie où les jours se ressemblaient que j'arrivais à ne plus penser à rien, me laissant profiter de chaque instant.

Un soir, alors que je m'occupais de la cuisson d'un lièvre attrapé peu avant, que Caslon se raidit, regardant vers un point fixe, sans pour autant gronder, signe qu'il n'y avait pas de menace. Heureusement qu'il était là, je n'ai rien entendu approcher. Je dis tout haut à l'intention de l'inconnu:

-Vous pouvez approcher, il n'est pas méchant. Si vous aimez le lièvre vous êtes le ou la bienvenu(e)?

J'étais parti m'entraîner dans la forêt d'Ornilm, un matin très tôt, avant même que les oiseaux ne sortent le bec de leurs nids chauds. J'avais fait la moitié du parcours en sautant de branche en branche comme j'aime si bien le faire, et l'autre à courir de toutes mes forces silencieusement, dans ces bois qui m'étaient maintenant si familier et si étrangers à la fois... A chaque fois que je sortais j'étais sûr d'y trouver quelque chose de nouveau. Mais absolument rien ne m'avait préparé à ce que j'allais rencontrer dans la forêt ce matin-là. Ou plutôt qui : une jeune femme. Et la plus belle que j'avais jamais vu. Pas d'une beauté flamboyante comme on peut en rencontrer dans le pays, non, une femme sans artifices. Une vraie guerrière. Une battante. Voilà les pensées que tournait et retournait mon esprit quand je m'aperçut enfin de ce qui m'observait. Un griffon. Euuuh, immense le griffon, trouvais-je perplexe. J'avais déjà fait un pas en arrière, un peu mal-à-l'aise face à ce regard perçant quand la jeune femme me héla :

-Vous pouvez approcher, il n'est pas méchant. Si vous aimez le lièvre vous êtes le ou la bienvenu(e)?

Mon ventre, quand je sentis enfin le doux fumet du lapin à la broche, se mit à gargouiller violemment. Mmmh, ça commençait bien si je n'arrivais pas à contrôler mes émotions.

Prudemment, je sortis du couvert des arbres et m'avança vers elle.

- Vous... vous êtes d'Elùnah ? m'enquis-je, en m'asseyant en face d'elle maladroitement et en jetant un dernier coup d'oeil au griffon pour voir s'il restait "calme".

L'inconnu sortit des sous bois et je trouvais qu'il me rappelait quelqu'un... Mais impossible de mettre un nom sur son visage. C'était manifestement un elfe et son âge n'apparaissait pas sur ses traits. Pour quelqu'un de notre race il était très musclé. Après cela, il était brun avec des yeux magnifiques, comme tous les elfes. Il prit place en face de moi et me demanda si j'étais d'ici, jetant de temps à autre un regard à Caslon. Lui le fixai toujours. Je mis ma main sur son bec, le forçant à se recoucher. Il se laissa faire et ferma ses yeux.

-Je suis née dans cette forêt oui. Donc en quelque sorte je suis d'ici. Et vous?

Le lièvre était à point et je lui tendi la broche.

-Attention il est encore chaud.

Je pris la cuisse de lapin qu'elle me tendait en la remerciant et mordis dedans. J'avais noté le "en quelque sorte" de sa réponse. J'avais envie de la questionner à ce sujet, d'en savoir plus sur elle, mais je savais que le moment était malvenu. Nous n'étions que des étrangers l'un pour l'autre. Des étrangers polis mais des étrangers tout de même.

-Oui, je suis un elfe, dis-je en annonçant une vérité qui paraissait pour le moins évidente. Enfin, je veux dire, oui, je suis d'Elùnah, me repris-je dans un demi-sourire. A vrai dire, cela ne m'étonnerais pas si vous aviez entendu parler de moi... Je suis Argawaen Ly'llandril.

Je ne sais pas pourquoi j'avais révélé mon identité à cette inconnue. Cela pouvait se retourner contre moi... Mais, irrésistiblement, je voulais lier connaissance. M'en faire une amie ? Tous ses sentiments nouveaux qui me troublaient m'empêchaient de raisonner correctement. Je pris une profonde inspiration, ferma les yeux deux petites secondes et la re-regarda.

Elle n'avait pas encore bronché, et me regardait toujours droit dans les yeux. Je me sentis rougir, chose rare pour un Elfe.

-Oui je suis un elfe. Enfin, je veux dire oui, je suis d'Elùnah. A vrai dire, cela ne m'étonnerais pas si vous aviez entendu parler de moi... Je suis Argawaen Ly'llandril.

Argawaen? Je venais de quitter quelqu'un qui souhaitais à tout prix le voir, donc en effet je connaissais. Et puis qui ne connais pas le légendaire guerrier elfique chef des armées, celui qui reste stoïque malgré tout. Il avait la tête baissée. Ce n'était pas réellement comme ça que je me l'imaginai, plutôt comme un guerrier endurci, dont le regard est lourd des vies volées. Mais il y a toujours une part de rêves dans les récits des soldats, en voici une preuve. Et puis après tout on ne se ressemble tellement pas une fois qu'on est face à la mort... Il avait au moins le mérite d'être connu.

Il releva la tête et nos regard se touchèrent. Il paraissait bien seul. Imperceptiblement, j'avais l'impression qu'il rougissait. Mais je ne m'en souciais pas et lui répondi :

-En effet, vous êtes le chef des armées d'Anamrùh n'est ce pas? Votre réputation vous précède jusqu'à Melodyus! Récemment j'ai escorté un humain jusqu'à vous. Vous devez faire sensation sur les champs de bataille! Moi je m'appelle Myladu Demibold, enchantée. Et voici Caslon, mon griffon. Il doit être bien plus connu que moi celui ci! Il faut le voir quand il vole il est superbe!

- Ah oui le petit Blake... Il est votre ami ? demandais-je en reprenant soudainement mon sérieux.

J'avais complètement laissé de côté le reste de sa réponse, de nouveau préoccupé par mes responsabilités. Après tout, Blake était devenu, en quelque sorte mon "disciple", et il refusait toujours de ma parler de la façon dont il avait réussi à parvenir jusqu'à moi. J'aurais du me douter qu'un elfe l'avait aidé, mais je n'aurais jamais imaginé qu'il s'agissait de la magnifique jeune femme. Peut être cherchait-il à la protéger ? Soudainement, une idée me traversa l'esprit. Une idée qui, bizarrement, me souleva l'estomac. Et si ils étaient... ensemble ? Je reposa la brochette de lapin, vaguement dégoûté. C'était bien la première que je me préoccupais des fréquentations de quelqu'un, et encore moins que cela me dérangeais. Ne souhaitant pas aller plus loin dans l'analyse de mes émotions, je me concentra de nouveau sur la conversation. Et plus particulièrement sur Myladu..

-Mon ami? Malheureusement non je n'ai pas d'amis mis à part Caslon. Dans mon métier tout le monde peut être un contrat, et on évite de s'attacher. C'est un peu dur des fois, sans lui je serais devenue folle, mais on s'y habitue.

La question ne se pose pas, mais je me demandais si il avait des amis. Je supposais que oui, car il vivais à un endroit fixe et côtoyait régulièrement les même personnes. Oui pour moi il avait des amis, et même une famille. Quoique il n'avait pas l'air... Bon on était là pour parler non?

-Avez vous des amis vous?

Imperceptiblement, mes muscles se relâchèrent. Ils n'étaient même pas des amis... Or, ma propre vanité me submergea. Hey mais ... elle n'avait même pas d'amis du tout ! Comment espérer ne serais-ce qu'une seconde que j'en fasse alors partie ? Certes son griffon était son plus proche compagnon, de ce fait je me voyais mal être jaloux de lui (~~quoi que~~...), mais je sentais qu'elle me traitait plus comme une simple curiosité qui lui apportait un peu de compagnie que comme un homme qui saurait apprécier une véritable amitié.

-Avez vous des amis vous?

Je pris le temps de réfléchir avant de répondre.

- Oui j'ai eu de bons amis autrefois... La plupart d'entre eux ont été décimés pendant les débuts de la guerre, dis-je d'un air sombre. Maintenant je peux plutôt parler de bonnes connaissances que de véritables amis...

Le silence s'écoula sur quelques secondes avant que je reprenne la conversation sur un ton beaucoup moins morose.

- Vous êtes une bonne combattante, je me trompe ?

-Vous êtes une bonne combattante, je me trompe?

Moi? Je le pris comme un compliment, de sa part une telle question ne pouvais pas se comprendre autrement. Oui d'accord, j'étais flattée. Et après? Je repensais à mon entrevue avec le Fentus, qui avait réussi à me briser le bras. Au souvenir de cette situation grotesque je ne pus m'empêcher de sourire. Mon compagnon n'avait même pas eu une égratignure. Mais je pense tout de même que je m'en était bien sortie. Celui qui me faisait face s'en serrait sorti tout seul et sans le moindre mal mais j'étais plutôt fière de mon aventure.

-Je le suis assez pour survivre sur un champs de bataille. Mais lors d'un duel à l'amiable avec un grand général je perdrai. Je ne suis pas une épéiste de légende, mais je me débrouille.

- Oh, on ne sait jamais, je suis peut être bon à l'épée mais tout le monde a ses défauts... Le combat à mains nues par exemple. J'ai beau avoir 70 ans, il me reste quand même des failles. Or on n'apprend beaucoup plus au contact des autres qu'en se battant seul contre un mannequin de bois comme ont l'habitude de faire les soldats des autres royaumes. C'est pour cela que j'encourage mes hommes à s'entraîner ensemble. Ou plutôt à se faire face...
Je vous propose un marché. Nous allons combattre "à l'amiable" comme vous dites, un combat à l'épée où je pourrais mettre en évidence vos points faibles et vous donner quelques conseils, et un autre sans armes où vous m'aiderez à mon tour. Qu'en dites vous ?

J'arborais un grand sourire, content de mon idée. Bien sûr, j'avais sortie ce deal sous couvert de l'entraide mutuelle au combat, mais je n'attendais qu'une chose : partager un agréable moment avec elle. Peut être cela lui donnerait envie de me revoir, et continuer certaines leçons...

Je rêve ou un des meilleur combattant me propose des leçons? En tout cas ceci était clairement une invitation au combat... et donc que je ne pouvais pas rejeter. Sur ce, je commençai à récupérer mon épée et à me relever. Lui était toujours assis et je lui tendis la main.

-J'accepte à un seule condition : ne me ménagez pas.

Nous nous plaçons dans la clairière où je m'entrainais ces derniers temps. Un trou dans la canopée permettaient aux rayons de la lune de nous éclairer de leur pâle lumière qui suffisait amplement pour des elfes comme nous. Je dégainai ma nouvelle épée et attendi qu'il lance le combat. Je pense qu'on allait passer un agréable moment tous les deux!

Je dégainais Arga, ma lame de sang. Je voulais commencer par une attaque puissante dès le début. Après tout elle m'avait spécifié de ne pas la ménager...
J'entailla mon index dans le sens de la longueur, acte qui annonçait clairement ma prochaine attaque pour celui qui y était accoutumé, comme la plupart de mes hommes. Bien sur, pour Myladu, cela ne devait rien représenter, mais elle avait cette capacité -propre à notre race- à mémoriser les moindres faits et gestes, aussi, je me doutais bien qu'il ne fallait pas la prendre pour une idiote et que je lui fasse deux fois le même coup.
J'allais exécuter la Danse du lion. Il s'agissait simplement de maîtriser son Qi pour capter les êtres vivants alentours et choisir sa cible. La chose fut faite en quelques secondes seulement. Comme je fermais les yeux je ne visualisais Myladu que sous forme de Qi pur. Elle en possédait, comme tout le monde sur cette terre, mais ne savait pas le maîtriser.
Mon grand-père, celui qui m'avait enseigné cet art, que j'ai perfectionné par la suite pour l'adapter à ma lame, avait l'habitude de dire que chaque personne avait une couleur particulière reconnaissable à son Qi. La couleur de Myladu était d'un ambre flamboyant, teinté d'un rouge plus sombre en son coeur. Je décidais de garder cette information dans un coin de ma tête et de l'analyser plus tard : une couleur n'est pas le fruit d'un hasard...

Je me mis en position, genoux légèrement fléchis, colonne vertébrale souple, et le Qi se déplaçant peu à peu dans mes pieds et mes mains. Il s'agissait d'allier la vélocité du lion et sa puissance pour administrer un coup fatal.

Enfin, la Danse du lion commença...

Il sorti sa lame et, chose surprenante, il s'entailla le doigt avec. Je ne savais pas encore ce que cela signifiait mais je lui demanderai après le combat. Il ferma les yeux, se concentrant sur le combat à venir et je fis de même. J'étais là pour apprendre non? Je récapitulai donc mes avantages et mes inconvénients. Je n'étais pas en position de force, il étais plus entrainé et connaissait toute les combines lors d'un combat. De plus il était certainement plus rapide que moi... Mon seul avantage résidait dans l'effet de surprise quand il découvrirait ma force "surnaturelle" pour un elfe (tellement féminin n'est ce pas?). Et puisque je ne connaissait aucune combine mes coups venaient en fonction de ce que je sentais sur le moment. J'attendais donc patiemment qu'il se mette en mouvement et j'improviserai.

Quand il ouvrit les yeux, il n'était plus le même, il était plus... sauvage. Oui c'est cela on aurait dit une bête sauvage qui se préparait à sauter sur sa proie, en l'occurrence, moi. Il enjamba en quelques foulée la distance qui nous séparait et le combat commença.

Le voyant arriver sur moi à cette vitesse, j'attendis le dernier moment pour me déplacer aussi vite que je pus, et, emporté par son élan, je profitai de son déséquilibre pour riposter. Avec un adversaire normal, la force que j'avais déployée aurait suffit à le faire chuter, mais je ne sais comment mon attaque ne le fis reculer que d'un pas. Bon un pas c'est toujours ça! N'attendant pas plus longtemps je profitai de l'éloignement pour préparer un autre coup, juste à temps pour parer le sien. Il était rapide le bougre! Aussitôt j'enchainai, la rage de vaincre dans l'âme.

Pendant près d'une demie heure il déchaina sur moi un tourbillon de force et de vitesse. Je trouvai que je m'en tirai pas trop mal, j'étais tombé deux fois mais j'avais réussi à me retourner à temps pour éviter les coups les plus grave. Bon j'aurais de nombreux hématomes un peu partout mais rien de grave. Chaque coup m'encourageai à être plus rapide, plus forte et plus prudente. Mais bien que mon endurance ne fasse habituellement jamais défaut, je dû reconnaître que je fatiguais. Mais cela mis à part, je commençai à identifier certains schémas, bien qu'aucun coup ne soit le même que celui d'avant. Alors qu'il lançait, encore une fois au dernier moment, une attaque au côté, je m'accroupi et, de l'autre côté lui assena un coup à la hanche... Qui fit mouche, je l'avait touché avec le plat de ma lame! Mais mon bonheur fut de courte duré, tout de suite après il me fis un banal croche pied qui m'éjecta l'épée des mains mis hors d'état de lui nuire pour une seconde fatale où je tournai la tête pour la ressaisir. Avant que je tourne la tête vers lui, sa lame était contre mon cou.

Nous nous regardâmes quelques instants, encore pris dans l'action et l'effort, avant de détendre tous nos muscles et de prendre une position moins... offensive. J'abaissa mon arme et lui présenta un sourire franc, cela faisait bien longtemps que je n'avais pas passé un moment si agréable et inattendu, à vrai dire.

- Il y a du potentiel ! m'exclamais-je, tandis qu'elle ramassait son épée. Tu es véloce, dégourdie, et tu sais vraiment bien analyser la situation. Il ne te manque plus que l'entraînement en fait, vu que les qualités sont déjà là... Enfin, il faut quand même que tu fasses attention à ta garde. Un peu plus et tu étais morte.

Je me déplaçai jusqu'à elle.

- Premier conseil : mets toi de profil quand tu attaques. Les pas chassés, c'est un peu désuet mais efficace. Le deuxième c'est d'avoir plus de poigne.

Je me mis derrière elle, sans la brusquer et en gardant une distance respectable, puis lui pris la main et y plaça correctement son épée.

- Il faut t'entraîner à porter ta lame plus souvent d'une seule main.

Quand je lâcha cette dernière, son bras s'affaissa un peu -quelques centimètres à peine-, mais il est vrai que pour une femme, elle avait une force physique étonnante !

- Ensuite, il y a la méthode. Tu devrais mettre au point tes propres techniques. Réfléchir à des postures ou des enchaînements qui mettent en valeur ta vitesse et ton agilité. Quitte à utiliser la typologie des lieux, en l'occurrence ici : les arbres. Ou bien développer des attaques en duo avec ton griffon, histoire d'être imparable !

Ce dernier me lança un regard mauvais, et je ravala ma salive rapidement.

- Enfin, ce ne sont que des idées... Et si cela t'intéresse, je peux te parler un peu de notre essence vitale, source d'énergie -comment la maîtriser au mieux, etc.-. Après le duel à mains nues, bien sûr ! lançais-je, d'un ton enjoué.

L'effort physique m'avais ragaillardi, et j'attendais avec impatience le moment où se serait son tour de me donner des conseils.

Une fois l'adrénaline du combat passée, je me relevai, attendant son verdict. J'avais en effet pas mal de choses à apprendre, mais savoir que j'avais du "potentiel" me redonna confiance en moi. Même si je devais revoir ma posture ma tenue ma poigne... Enfin tout quoi. Mais maintenant c'était à moi de lui donner des leçons et des bleus, et j'avais hâte de combattre, tout comme lui apparemment.

-Comme tu voudras! Laisse moi juste le temps de me préparer un minimum... D'ailleurs si tu as des vêtements un peu fragiles je te les déconseille, enfin c'est toi qui vois!

De mon côté je me débarrassai de mon épée, mes poignards et leurs étuis respectifs; puis récupéra dans mon sac deux bandes de tissus de je nouais autour de mes mains. Une fois prête je retournai dans la clairière où nous avons échangé notre premier combat tout en me concentrant sur le prochain, que je me devais de gagner!

... Des vêtements un peu fragiles ? Qu'entendait-elle par là ? Ne sachant pas trop à quoi m'en tenir je préféra me déshabiller -le haut tout du moins-, puis j'attacha mes cheveux en chignon (oui le chignon c'est aussi pour les hommes d'abord :p, les samouraïs ils avaient quoi à votre avis ?). Arrivés à la clairière, nous nous miment en position. Je savais qu'en combat rapproché j'aurais du mal à gagner, par manque d'entraînement sûrement. Au cours des dernières années, j'avais passé plus de temps à peaufiner de nouvelles techniques utilisant le Qi plutôt que le combat à main nu. Et il faut dire que j'étais très attaché à Arga, ma lame de sang. Elle était pour moi comme une extension de mon bras, ce qui pouvait expliquer à quel point je me sentais nu en ce moment même...Cependant, mon air stoïque n'en dévoilait rien.

Je la vis se mettre à tourner autour de moi lentement. Ça y est. Ça commençais. Je me mis à faire exactement la même chose en sens inverse, pour gagner du temps. Nous n'étions qu'à quelques pas l'un de l'autre, néanmoins pas assez proche pour que l'on puisse se toucher en tendant les bras. L'un de nous devrait lancer l'assaut. Aussi stupide que cela puisse paraître, ce fut moi. Je fléchis les genoux et m'élança à son encontre dans un saut à la force brute. Je voulais la déstabiliser en la percutant avec mon épaule. Il n'en fut rien. Elle m'esquiva avec aisance et m'administra un coup violent à la nuque. Ma vue s'étiola quelques instants, juste assez pour laisser le temps à Myladu de me frapper au thorax, histoire de me couper aussi la respiration. Mais j'en avais décidé autrement moi aussi. Hors de question que ce combat me fasse d'avantage passer pour un incompétent ! Avec l'aide du Qi, je sentis le mouvement de l'air provoqué par son prochain coup entre mes omoplates et au dernier moment je feinta... en m'écroulant de tout mon long sur le sol. Oui, bon, y a plus classe comme technique, mais là tout de suite je n'avais pas eu d'autres idées généralissimes.

Dès que mon adversaire fut prêt pour le combat, je me mis à marcher autour de lui, comme un faucon qui s'apprête à piquer vers sa proie. Aussitôt il fis de même que moi. Nous étions loin l'un de l'autre. Première erreur, j'aurais ainsi largement le temps d'esquiver ses attaques. Au bout d'un court moment, il me fonça dessus, épaule en avant. Un pas de côté et je pus profiter de son élan pour lui assener un coup à la nuque, ce qui le déstabilisa quelques instants. Alors que j'allais lui donner un cou à son thorax, il se laissa tomber juste avant le contact. Plutôt malin mais cela me mettais en position de force et je ne pus qu'en tirer parti! Je me laissai donc tomber à genou, sur lui, le condamnant à rester dans cette position. Alors que j'allais attraper sa nuque et ainsi remporter la première partie il réussi à se redresser je-ne-sais-comment sur ses coudes me faisant ainsi perdre mon équilibre.
La partie risquait d'être intéressante!

Un peu de Qi concentré dans mes bras et HOP, le tour était joué. Ce dont je ne me doutais pas c'était la force avec laquelle je soulèverais Myladu... Je n'avais pas non plus anticipé le fait qu'elle rebondirait pour se retrouver assise par terre. M'enfin, comme c'était à mon avantage, je n'allais pas trop me plaindre, n'est-ce pas ?
Elle se releva avec un vivacité étonnante, et nous nous retrouvâmes, dans la position initiale, à guetter le moindre petit mouvement de l'adversaire.
Ce fut elle qui m'attaqua. Elle prit appui sur une souche d'arbre proche et se jeta littéralement sur moi. Cette scène -vécue comme au ralenti- me parut surréaliste. Ses cheveux flamboyants qui voltigeaient autour de son visage, sa peau fine et blanche qui brillait comme l'éclat de milles petits diamants, et cette rage, cette férocité au combat. C'était... C'était une pure merveille, je n'avais pas d'autres mots. Elle dégageait une telle élégance digne de l'aura de la Déesse guerrière d'Elùnah. Complètement subjugué et sous le charme, je ne me rendis pas compte qu'elle et moi tombions au sol. Encore une fois, elle se retrouvait à califourchon sur mon torse. Mais la prudence étant mère de sûreté, elle avait pris soin d'emprisonner mes bras de ses mains.
De toute façon, j'aurais bien été incapable de me débattre de nouveau. En fait, j'avais là une subite envie de me laisser faire. Son corps qui était penché vers moi faisait s'entremêler nos souffles respectifs et cela me troublait et m'empêchait de réfléchir correctement. Aussi lorsqu'elle me sourit et qu'elle ouvrit la bouche pour me taquiner sûrement d'un "j'ai gagné !", je m'exclama :

- Je t'aime !

Je pense que si nous avions été dans une position plus... normale, ma réaction aurait été (d'après moi) totalement différente. Par exemple j'aurais lancé une phrase bateau accompagnée d'un sang froid parfait et d'un dialogue où je me serais excusée, qu'il été gentil mais que voilà ma vie ne pouvait pas s'accorder avec une relation. Fin de l'histoire et nous repartions en bon termes.

Or nous n'étions pas dans une position normale et je n'ai toujours pas compris ma réaction... Lors de sa déclaration, je me suis retrouvée sur le cul. Littéralement, à un mètre de lui, assise sur les fesses. Je crois que je me suis projeté en arrière, mais je ne sais plus. Les joues plus rouges et plus chaudes qu'un volcan en eruption, j'essayais tant bien que mal d'analyser ce qui venait de se passer et de calmer mon petit coeur qui venait de frôler la crise cardiaque. Nous étions gentiment en train de nous battre (combat que j'avais gagné soit dit en passant), et d'un coup comme ça il m'avoue qu'il m'aime. Ca avait de quoi vous ôter tout vocabulaire et je n'ai trouvé comme mot sur le moment que:

"Quoi... Qu... Pardon!?"

Et encore, je suis encore relativement chanceuse, le mot aurait pu être "Ein!?" ou bien encore ornithorynque! Mais quoiqu'il en soit, je ne m'attendais pas du tout à une telle déclaration, surtout venant de la part d'un personnage aussi illustre et connu que l'était Argawaen. Ma défunte mère m'aurait dit qu'il était un excellent parti et que je devrais accepter. Mais en ces temps de guerre, mieux valait ne pas s'attacher, et je comptais bien m'y tenir, et tant pis pour le coeur du chef des armées elfiques!

... Au vu de sa réaction, c'était mauvais pour moi. Elle s'était retiré comme si je l'avais brûlé, et avait répondu en bafouillant. Mais qu'est-ce qui m'avait pris aussi, de lui faire une déclaration pareil alors qu'on ne se connaissait que depuis... quelques heures à peine ?!
Elle était maintenant rouge pivoine et je crois bien que c'était aussi mon cas. Je souffla, histoire de me donner un peu de contenance et me releva puis lui tendis la main pour l'aider à son tour. Main qu'elle regarda sans jamais la saisir. Elle se releva de son propre chef...
Bien que je lutte contre de telles pensées, cette situation me blessa. Voilà des années que je m'étais construit une réputation d'homme stoïque et quasiment sans cœur, mais voilà, j'avais moi aussi des sentiments, je ne les montrai juste à personne -ma fonction exigeant un charisme sans faille-.
Mais là, tandis que j'avais complètement mis de côté l'aspect affectif dans ma vie, j'avais rencontré Myladu... Et j'étais tout à fait chamboulé. Peut être un peu trop, pour m'être confié aussi rapidement.
Il fallait que je m'excuse. Que je répare tout ça, qu'on reparte de zéro, que je ne piétine pas cette amitié naissante, que je rattrape le coup, que... Bref, que je lui demande d'oublier tout ça et d'aller de l'avant.

Aussi, ce fût totalement inattendu (et pour moi le premier) quand je lui annonça avec une profonde conviction :

- Oui. Je t'aime.

Il se releva et me tendit la main. Je me relevai seule, essayant de me calmer. Il paraissait perdu et cela m'attristai un peu mais je ne pouvais rien faire pour lui. Puis il me regarda dans les yeux et me dis avec l'air de savoir ce qu'il faisait : .

"Oui. je t'aime." .

Cela me fit un choc : comment cela se pouvait-il, en si peu de temps? Enfin cela ne changeait rien à la règle capitale du guerrier en temps de guerre: ne pas s'attacher. Jamais et sous aucune condition. Surtout que je préparais une escapade chez nos ennemis. .

"Je vois. Désolée pour ma réaction mais il faut dire que tu m'as pris de court! On ne se connait même pas! Et avec la guerre en cours je ne veux pas me lier à trop de gens. J'ai Caslon et Lalin et pour moi c'est déjà trop." .

Il se rembrunit ce qui accentua mon mal-à-l'aise. Je voulais trouver les mots justes pour ne pas le blesser mais je ne savais pas comment mieux l'expliquer. .

"Je ne veux pas être atteignable tant que la guerre n'est pas finie... Tu comprends? Je ne veux pas qu'on puisse me faire chanter, si je suis prise par Trajan, que quelque chose ou quelqu'un prenne plus d'importance que la paix des peuples. D'ailleurs je prévois de partir pour Melodyus dans peu de temps, alors tu vois.. ?"

- Je... Comprend.

En fait ma raison comprenait, mon cœur beaucoup moins. Et puis c'était quoi ça, mon ventre qui se tordait et cette douleur insoutenable dans la poitrine ? J'avais carrément l'impression de manquer d'air, et ferma les yeux quelques minutes. A vrai dire, intérieurement c'était comme si tout mon corps se déchirait. Et ça me faisait mal. Alors c'était ça, l'amour ? C'était complètement destructeur. Pourtant elle avait raison, je ne la connaissais pas plus que ça. Quelques heures tout au plus...
Mais tout mes sens m'avaient alors criés "Regarde là, c'est-elle ! Celle que tu cherches depuis toujours !". Mon âme-sœur.
Une voix dans ma tête me souffla "Tu aurais du écouter Cassiopée, et barricader ton cœur...".
Oui, il aurait certainement mieux valu. Pourtant mes méninges s'étaient remises à tourner. Elle ne voulait pas être atteignable tant que la guerre n'est pas fini. Mais...
Et quand elle sera fini ??
Je me raccrocha à ce mince espoir et releva la tête, pas encore tout à fait vaincu.

- Tu as sûrement raison d'agir comme ça. C'est la meilleure chose à faire. Moi même je... Et bien je ne m'étais jamais... Senti... Aussi proche d'abattre ces résolutions. Et je l'ai fait, et nous voilà tous les deux dans l'embarras maintenant. J'espère que tu pourras me pardonner de semer autant de confusion, mais j'ai une question à te poser. Une seule.

Un peu pataud, je me mis à piétiner sur place, avant de me lancer :

-Tu pourrais envisager une suite après la guerre ?

Et voilà. Je l'avais fait. J'étais Chef des armées elfiques pourtant, je savais à quel point nous étions loin d'en avoir fini avec Trajan. Mais les Elfes vivaient longtemps... Et qui sait... Peut être...

Quand il me dis qu'il me comprenait, j'étais soulagée. Mais c'était trop beau pour être vrai et il revint à la charge et cette fois ci je ne pouvais plus m'en tirer...

-Tu pourrais envisager une suite après la guerre?

Voilà, LA question qui me mettais dos au mur avait été posée. Et je ne savais pas du tout comment y répondre. Vraiment pas. Et pour la première fois de ma vie je n'ai pas osé faire face. J'ai sifflé, Caslon s'est approché et nous nous sommes envolé, laissant toutes mes affaires et un chef des armées, je le sentais, complètement ravagé. je ne sais comment mais je ne suis retrouvée assise devant la tombe de ma mère, dans une profonde reflexion.

Après une semaine sans avoir prononcé un mot, je pris une plume et un parchemin et je laissais aller ma main:

~~"Mon cher Arga,~~

Arga,

Comme tu peux le voir je ne sais même pas comment commencer cette lettre. Je ne sais plus si je dois te dire bonjour ou bonsoir, si la lune cette nuit sera absente ou si elle nous bercera de ses rayons. Ce que je sais, c'est que la dernière fois que nous nous sommes vu (qui est aussi la première) tu me répétais que tu m'aimais. Et je me suis enfuie, une réaction lâche et indigne que je n'arrive ni à pardonner ni à comprendre. Je ne me comprends plus.

Tout d'abord je tenais à te présenter mes plus plates excuses et j'espère que tu ne me tiendra pas rigueur de ma réaction plus qu'incorrecte!

Si tu veux savoir ce que j'ai fait, je suis allée me recueillir devant la tombe de ma mère, ce que je n'ai jamais fait. Je me pose mille questions et je n'y vois toujours pas de réponses.

Comment se fait-il qu'en si peu de temps tu puisse être si sûr de tes sentiments à mon égard? Je ne suis rien, pas même une elfe de sang et toi tu dirige une des plus grande armée de ce monde ! Pourquoi jeter ton dévolu sur une rôdeuse accompagnée d'un griffon?

Pour répondre à ta question, non je ne peux rien envisager après la guerre, car il me faudrait pour cela savoir ce qu'un monde en paix signifie. Je suis née avec la guerre et j'ai toujours cru qu'elle serait ma mort et qu'elle dirigerai ma vie à jamais. Jusque là je ne m'étais pas trompée.

Mais tu es arrivé, toi qui connais la situation, toi qui fait pourtant preuve d'optimisme. L'espoir nous est-il encore permis? Que deviennent les soldats après la guerre? Une vie leur est-elle permise?

Je pourrais continuer de t'écrire tous mes doutes mais je n'ai plus de papier à disposition.

Je ne te fuyais pas toi, mais je fuyais la réalité : j'ai peur de ne pas survivre à cette guerre, peur de voir tous mes idéaux être brisés, peur de perdre les gens qui me sont chers...

Mais je ne peux pas sans cesse me cacher et je dois affronter l'ennemis.

Comme il est prévu, je vais partir pour Melodyus pour partir à la recherche des origines de mon amie. L'occasion aussi de faire du repérage de l'autre côté du front. Dans cinq jours je serai à Gildaron pour la retrouver. Si tu souhaite ~~(me revoir?)~~ nous accompagner, sache qu'une épée ne sera jamais de trop. et que je t'attendrais en fin de journée sur la place principale de la ville.

Si tu décide de venir rejoins moi là-bas, si tu le peux aussi, car je me doute que tu as de nombreux engagements. Dans tous les cas je te ferais parvenir des rapports de mes observations.

Sincèrement,

Myladu."

Sans me relire car je n'osais plus regarder ce que j'avais écrit, je cachetais la lettre (un griffon tenant une épée) et la confia à mon cher Caslon, lui demandant de l'amener aux chef des armées elfiques. Puis je pris mon arc et alla chasser pour préparer mon voyage vers la capitale des Lycans.

Je l'avais vu s'envoler loin de moi, au dos de son Griffon, majestueuse et pourtant si implacable. Car elle venait de piétiner mon cœur, il faut l'avouer. Elle n'avait même pas pris le temps de rassembler ses affaires et je restai ainsi, seul, perdu au milieu de cette forêt que je croyais connaître sur le bout des doigts mais qui me paraissait à cet instant précis, étrangement hostile. Hébété, je m'étais assis à même le sol et avais écouté les bruits montant d'une nature nocturne. Les hiboux hululaient, les papillons de nuits voletaient, quelques fées par-ci par-là vaquaient à leurs occupations, et d'autres bêtes bien moins sympathiques se baladaient à quelques mètres de moi, méfiantes.
Après une heure ou deux d'isolation totale et de réflexion intense, je me releva, rassembla les affaires de Myladu et me mit en direction de Silencià.

La semaine qui passa fut sombre. J'avais continué d'exercer mais je n'avais plus cette flegme qui me caractérisait si bien auparavant. Morne, j'effectuais mes activités quotidiennes sans passion aucune. Et je pensais qu'à force de ce régime je guérirais, que le temps effacerait mes blessures. Mais comme me l'avait dit Cassiopée, le Destin en avait décidé autrement et me nargua sept jours plus tard, quand je reçut une lettre d'elle.

J'étais indécis. Fallait-il l'ouvrir ? La jeter ? La lettre resta posé sur mon bureau deux jours durant. La nuit du troisième jour, je fis un terrible cauchemar et me réveilla en sursaut, totalement en sueur. Les contours de ce rêves me revinrent, flous mais absolument terrifiant. La tortionnaire en chef avait jeté son dévolu sur la pauvre Myladu et tentait de lui faire révéler quelque chose par le biais de supplices plus éprouvant les uns que les autres.
Et sur le coup d'une impulsion je me leva et décacheta la lettre. C'était la première fois que je voyais son écriture, la façon dont elle s'exprimait etc., aussi en étudiais-je les moindre détails.

En achevant ma lecture, ma décision était prise. Je ne pouvais lutter contre mon destin. Je la suivrais.

FIN DU RP

RP clos et points d'xp distribués !

» I want to bleed you ! [Drake, Argawaen]
» Les volcans appelent des expériences. [Argawaen][CLOS]
» L'art de remettre en question ses principes [Blake, Argawaen]
» Réminiscence d'une journée particulière [PV Argawaen Ly'llandril]
» Argawaen le sanglant, ou le parfait équilibre entre le noir et le blanc...