L'art de remettre en question ses principes [Blake, Argawaen]

Le soldat m'avait annoncé qu'un humain souhaitait me voir. Un humain. Je ne faisais pas dans le racial, loin de là, en 90 ans d'expérience, j'avais eu le temps de connaître des humains dignes de confiance, seulement je ne voyais que deux hypothèses possibles expliquant sa venue. Trois à la limite. La première est qu'il avait fait tout ce chemin incognito pour jouer à l'espion au compte de Trajan. La seconde, déjà beaucoup moins joyeuse, est qu'il avait décidé de se vouer corps et âme dans cette triste guerre et qu'il joue au kamikaze en ma présence. La troisième, est qu'il voulait se joindre à notre camp pour une quelconque raison personnelle. Bien sûr, étant en pleine étude tactique depuis bientôt 3 heures, je ne me focalisais que sur une éventualité liée à la situation actuelle, c'est à dire : le conflit opposant nos deux pays.
Après un court échange, j'appris que ce garçon avait été introduit dans la cité par une elfe qui ce portait garante. Enfin elle avait beau se porter garante, cette dernière n'avait en aucun cas décliné son identité. Tiens, tiens, c'est bien pratique ça si je me retrouve avec un fou furieux sur les bras, je ne pourrais m'en prendre qu'à moi même !
Bon... Je soupirais, un mal de crâne pointant le bout de son nez, et m'évertuais à ranger correctement les plans et les cartes dans un coffre scellé. Ben oui, je n'allais tout de même pas les laisser à sa vue !

Après quelques minutes je fis signe à l'elfe de faire rentrer l'humain. Il le tenait fermement par le bras, même s'il m'avait certifié lui-même auparavant qu'il était désarmé. Bien bien.

- Tu peux nous laisser.

Le soldat hésita un peu, mais nous laissa seuls. Du moins je ne doutais pas qu'il restait farouchement devant ma porte à guetter le moindre bruit suspect. Ah, ces elfes.

Je détailla le nouveau venu. J'avais conscience d'avoir un regard peu amène, ainsi qu'un air distant et froid. C'était calculé. Je n'avais pas l'intention de commencer à parler. J'attendais que lui le fasse.

Une minute, deux minutes, cinq minutes. Le temps paraissait s'allonger tant le silence était pesant. Blake ne savait pas trop quelle attitude adopté. Il était en terrain "ennemi", au cœur même de l'endroit où il risquait sa vie à chaque instants.

"Si c'est lui qui va t'entraîner, j'ai aucun soucis à me faire hahaha !"

En même temps, il n'avait pas tort. Il estima qu'il l'avait assez étudié. oui il était humain, oui il était bicolore mais non il n'était pas ue bête de foire !

-Sauf votre respect, vous attendez qu'on se change en statues avant de m'adressez la parole ? N'est-ce pas dans vos coutumes que le supérieur s'adresse à l'inférieur ?

Sa témérité le perdra un jour, de ça il en était sûr, mais pas aujourd'hui.

Mmmh...

- Tel n'est le cas que si tu penses être inférieur.

Je décroisa les bras. Il avait parlé avec audace et une pointe d'effronterie mais je n'en attendais pas moins de lui. Je supporterais moi-même difficilement d'être jaugé de la sorte. Mais sa condition d'ennemi potentiel me forçais à respecter le protocole. Je lui lança un bref regard avant de lui montrer une chaise sur ma gauche. Il s'assit avec circonspection, attendant peut être que je lui demande de m'expliquer les raisons de sa venue. Mais j'étais occupé à fouiller dans un tiroir. Ah, oui, la voilà !

Je sorti une fiole remplie d'un liquide bleuâtre, aux allures certes douteuses, mais aux capacités fascinantes. Il s'agissait d'un élixir rare, extrait d'une plante cultivée en laboratoire elfique, qui a pour particularité d'obliger celui qui l'ingère à... dire la vérité, tout simplement.

- Ceci, lui dis-je, est du flos veritas... Un sérum de vérité. Bois-le, ensuite je t'accorderais toute mon attention.

Je lui tendis la fiole, sachant pertinemment que s'il refusait je le clouerais au sol en moins de temps qu'il ne faut pour le dire.

Blake s'assit et lança un regard dubitatif à la fiole. Il doutait sincèrement de son efficacité, la magie ne faisant aucun effet sur lui... "Si ça peut le rassurer..."
"Tu devrais laisser tomber, c'est un charlatant avec ses petites fleurs hahahaa !"

Il plissa le nez. Qu'est-ce qu'il pouvait agaçant quand il s'y mettait ! Juste pour l'embêter, il avala le contenu d'une traite et réprima un hoquet. Le breuvage avait un goût infecte. 1 minute passa sans que rien de notable se produise quand soudain, il se tordit le ventre et tomba de sa chaise. Il avait l'impression que son corps entier allait exploser, et, aussi soudainement que c'était venu, la douleur reflua. Haletant et tremblant de tout son corps, il se redressa avec peine. Son œil gauche brillait d'un éclat rouge incarnat et malveillant.

-C'est vraiment infecte votre truc, déplora-t-il.
-Au moins ça à le mérite d'enfin nous faire rencontrer gamin

Horrifié, Blake recula violemment contre le mur. Son côté gauche... il ne le sentait plus....

-Et oui, je vis en toi, j'ai bien le droit d'avoir la moitié de ton corps, c'est la moindre des choses non ?
-NON !!

Puis se tournant vers Argawaen.

-Vous voyez ce que vous avez fait ??

Alors là, mon attention pouvait lui être pleinement accordée, sans aucun doute ! Sans l'effet du flos veritas, j'aurais sûrement cru à une supercherie où aux délires d'un fou mais là, ça avait l'air sérieux. L'effet du sérum agissait à coups sûrs, aussi sans lui demander son avis, je me levai et d'un coup sec le frappa derrière la nuque. Il n'avait pas eu le temps de réagir, trop paniqué par ce qui venait de se passer avec le sérum. Je l'avais frappé juste assez fort pour qu'il ne contrôle plus son corps pendant quelques minutes, que je puisse le mette en sécurité de... de quoi d'ailleurs ? Lui-même ?

Groumf.

Il me tomba dessus de tout son poids. Je le rattrapa de justesse avant qu'il ne glisse au sol et l'assis sur la chaise. Il dodelinait de la tête, sûrement en train de voir 36 chandelles. Pour sa sécurité -et la mienne- je le menotta dans le dos et attacha ses jambes avec de la corde. Bon, vu comme ça, je ressemblais à un foutu psychopathe qui préparais sa prochaine victime. Heureusement que l'elfe qui faisait toujours le guet dehors n'avait pas cru bon d'intervenir (les elfes peuvent être de vrai concierges parfois !).

Je me rassis également, et me pinça l'arrête du nez. Oui, je faisais ça quand je réfléchissais intensément. Malheureusement, quelques secondes plus tard je l'entendais de nouveau gigoter sur sa chaise.

- Je suis désolé pour le coup, j'ai estimé plus sage de vous ligoter... Pourriez vous m'expliquer plus clairement la situation et ce que vous êtes venu chercher en venant me voir ? L'effet du flos veritas ne dure qu'une vingtaine de minutes, ne vous inquiétez pas, les ... effets indésirables disparaîtront...

Sur le coup, Blake voyait 36 chandelles. L'univers tout entier tanguait et aucun point n'était fixes de sorte qu'un violent mal lui prit l'estomac. Seulement, Daemon ne le voyait pas de cette oeil et répondit aussi normalement que si le jeune homme n'avait pas été assomé.

-Ce n'est pas en m'attachant que tu vas m'empêcher de mener à bien mes projets, elfe. Pour ta gouverne, je me prénomme Daemon, démon supérieur et je dois malheureusement partager ce corps faible, pour le moment. Le petit cherche un moyen de me faire disparaître mais c'est impossible ! Je régnerai sur ces terres et écraserai vos minables existences ! J'instaurai un règne de cha...
-Oh mais tu vas la fermer oui ?! Retournes dans ton coin de ma tête veux-tu ? Je dois lui parler en privé alors barres-toi espèce de démon à la noix !
-Cet idiot m'a permit de m'exprimer librement, je crois que je vais plutôt en profiter encore un peu plus longtemps mouhahaha
-Ha oui ? et qu'est-ce que tu penses de ça hein ?

De toutes ses forces, il ferma sa bouche. Daemon, lui, bouillonnait de rage et déversait une véritable tempête de colère dans l'esprit de Blake

Je jeta un coup d’œil au cadran solaire. Il restait encore 10 minutes de ce cirque. Bon, autant prendre mes aises. Je m'affala dans le fauteuil, totalement indifférent à l'image qu'il pouvait percevoir de moi. J'étais certes un chef militaire, mais je n'en restais pas moins un elfe fatigué.
Les expressions de son visage étaient fascinantes, on pouvait le voir littéralement contenir sa rage et entretenir une conversation dans sa tête avec.. Daemon, il me semble. Bon ce n'est pas tout, mais autant le prévenir tout de suite.

- Je ne suis pas exorciste petit, lançai-je.

A voir sa tête ahurie, je ne sais pas si c'était la meilleure façon d'en parler. J'avais peut être été trop froid. Après tout, il avait fait énormément de chemin et sûrement enduré de lourdes épreuves avant d'arriver jusqu'à moi. Je n'allais pas briser tous ces espoirs, si ..?

- Mais après réflexion je peux quand même t'aider. A ma manière... Il va falloir que tu m'expliques exactement ton calvaire, depuis quand ça a commencé, comment tu vis avec, quels sont les inconvénients, les avantages -oui, il peux y en avoir, n'hésites pas à m'en parler- et ce que tu attendais précisément en venant me voir. Je doute de pouvoir être à la hauteur de tes espérances, mais je pense quand même pouvoir t'être utile. Et t'appeler par ton prénom serait aussi bienvenue.

Sans en dire plus, j'attendis que l'effet du sérum se dissipe pour pouvoir enfin entretenir un semblant de conversation normale avec le jeune humain.

En 10 minutes, Blake apprit plus de gros mots qu'il n'en avait jamais entendu tout au long de sa courte vie. Daemo semblait vraiment énervé. Le jeune homme ne l'avait jamais vu comme ça et il se plaisait à penser que c'était parce qu'il était proche de se débarrasser enfin de lui. après une interminable attente, il sentit enfin la pression du démon se relâcher et enfin refluer au fond de son esprit. Il put ouvrir la bouche et soupirer.

-Désolé pour cette attente et surtout pour lui. Je sais qu'il est franchement pénible et encore, vous n'avez là qu'un échantillon de ma vie. Je m'appelle Blake D. White.

Il s'installa du mieux qu'il put compte tenu de ses liens et poursuivi.

-Je suis venu vous trouver parce que d'après les rumeurs, vous n'utilisez pas de magie pour vous battre et pourtant vous êtes le meilleur de votre race. Voyez-vous, je cherche à me débarrasser de ce ... locataire plutôt encombrant. Seulement, le problème est que la magie est annihilée dans un rayon de 3 mètres autour de moi. Pouf, comme si elle n'existe tout simplement pas en ma présence. Alors c'est assez difficile de l'extraire, voire impossible. Je me disais donc que vous pourriez peut-être m'apprendre à le détruire ou du moins le contrôler. Il est terriblement dangereux. Chaque jour il gagne en puissance et son seul vœu est d'asservir le monde. Trajan n'est qu'un petit joueur à côté de la folie destructrice de Daemon.

Il se tut et attendit anxieusement la réponse du Général.

Qu'il compare ce Daemon à un être aussi perfide que Trajan me laissa pantois. Je ne savais pas ce que ce jeune homme avait enduré -à vivre enchaîné par les pulsions meurtrières de ce parasite de Daemon- mais je supposais qu'il ne me disait pas cela uniquement dans le but de me faire peur et de me convaincre. Je sentais qu'au fond de lui, il était convaincu de ses dires.

- Et bien... soufflais-je, tout en me frottant les yeux, on a du pain sur la planche... On va procéder étape par étape, si tu es d'accord. Ce n'est pas que la rumeur selon laquelle les Elfes sont compulsivement méthodiques est vrai, mais c'est que cela va me simplifier énormément la tâche. Je veux que tu me dises depuis quand tu vis cloisonné avec Daemon. Depuis toujours ? En es-tu réellement certain ? Est ce que tu n'aurais pas un souvenir, je ne sais pas moi, traumatisant, quelque chose qui se serait passé et dont tu ne m'as pas encore fait part ? Ou bien un événement bouleversant qui aurait de prime abords aucun lien avec ton locataire ? Il faut que je me fasse une idée plus précise du type de démon qui t'habite. Toutes les informations possibles à ce sujet me seront précieuses. Ensuite je te propose une bonne nuit de sommeil, dans un lit confortable du palais avant que l'on ne se retrouve demain après-midi. J'ai encore des choses à régler...

Encore une responsabilité de plus à gérer. Décidément, je n'étais pas assez rémunéré !

Blake déglutit. Un évènement marquant ? Oh bien sûr qu'il en avait, et pas qu'un.

-Mmmh, et bien si je devais en choisir un qui résume assez bien les choses, je choisirais celui qui m'a valu l'exil de ma propre terre... Je veux parler de la première fois où il a eu assez de forces pour prendre le contrôle et détruit une garnison entière de l'armée de Trajan. Depuis tout petit, à l'orphelinat déjà on me traitait de monstre et de démon. Loin d'être turbulent, je faisais fuir les gens. En y repensant, j'ai toujours senti comme une présence en moi. Puis depuis cet...incident, je n'ai eu de cesse de le dégager mais c'est comme si on avait mit 2 esprits contraires dans un seul corps vous voyez ? De plus, quand il prend possession de mon corps, celui-ci réagit à Daemon. Je me souvient d'une embuscade où je me suis fait embroché par une lance. Sur le point de m'évanouir, j'ai quand même pu voir Daemon prendre le contrôle et retirer la lance. Ma main avait alors une toute autre apparence...

Il laissa sa phrase en suspens quelque instants avant de reprendre.

-Je sais que ça peut paraître idiot mais une exorciste humaine m'a traité de démon et non que j'abritais un démon... Et si c'était vrai ?

- C'est probable que ce soit le cas, dis-je sans détours.

Sa mine complètement déconfite me poussa à argumenter.

- Mais je ne crois pas au déterminisme absolu -même si Cassiopée s'efforce de nous prouver le contraire, pensais-je- pour moi, si tu suis le bon entraînement, t'as vie en sera nettement améliorée. Ce n'est pas parce que tu abrites ou que tu es un démon que cela fait de toi quelqu'un de foncièrement mauvais. Il n'y a pas que les bons et les méchants en ce monde, chacun de nous abrite une part de lumière et d'obscurité. Le tout est d'apprendre à se contrôler et à s'en servir... Tu vas avoir besoin de moi pour cela.

Rien ne me forçais à accepter de l'aider, pourtant je sentais qu'un tel pouvoir grandissant en lui serait une source d'ennui plus tard, et je préférais l'avoir dans mon camp plutôt qu'en faire un ennemi.
Après ces quelques minutes de réflexion, je me leva et l'incita à me suivre.

- Je vais me débrouiller pour te fabriquer un laissez-passer, comme ça tu pourras librement circuler dans certaines parties du Royaume. Bien sur, toute tentative de fuite sera considérée comme une trahison, même si aucune preuve ne t'accable d'un quelconque délit. C'est le lot quotidien des humains en ce monde maintenant : être sans cesse soupçonné...
Je suis aussi quelqu'un qui a de nombreuses responsabilités et t'aider ne sera pas une mince affaire, il va d'abord falloir que je te fasse passer quelques test pour décider de la voie à emprunter.

Nous sortîmes de la salle et remontèrent quelques couloirs tout en discutant :

- Je vais te conduire à une chambre. Tu pourras y déposer tes *regard en biais vers le maigre sac de Blake* affaires et si besoin faire une liste des choses qui te semblent nécessaires. A partir de maintenant, je suis ton garant donc tu fais attention quand tu parles, tu restes poli avec tout le monde et tu as une hygiène irréprochable. Je passerais te voir demain après-midi. Il y a une bibliothèque si cela t'intéresse. Avec ton laissez-passer tu n'auras le droit qu'à la partie tout public mais il est nécessaire pour toi de savoir certaines choses. J'enverrais quelqu'un chercher deux ou trois livres et te les déposer dans ta chambre. Tu devras les lire -et lire signifie de la première à la dernière page-. Si tu dois être...

Je réfléchi quant au terme à employer et me risqua pour "disciple".

- Si tu dois être mon disciple, repris-je, tu vas devoir suivre mes instructions à la lettre, est-ce bien clair ?

La prestance du Commandant suscitait chez Blake une vague d'espoir. Après tout, il se dit qu'il n'avait vraiment rien à perdre. L'Elfe lui demandait de rester sage et de ne pas faire de grabuge, ce qu'il faisait bien depuis plusieurs années en somme. Alors il acquiesçait à chaque injonctions, cela lui paraissait normal après tout. Enfin arrivé au bout d'un dédale de couloirs, ils parvinrent devant une porte modeste pour un palais et Argawaen le laissa.

Blake resta un moment debout, à contempler l'architecture de la pièce. La plupart des matériaux consistaient en divers bois, mais ciselés de façon tellement élégante qu'ils paraissaient de marbre. Une unique fenêtre donnait sur le versant ouest, totalement occupée par une vue sur la forêt. Sa découverte des lieux terminée, il se délesta de son maigre sac et défit le contenu sur la table en acajou. Son carnet de voyage/intime, quelques pierres d'eau de la rivière mystique, un morceau de viande séchée. Ne sachant trop quoi faire, il s'assit sur son lit et patienta. Un certain temps plus tard, un serviteur lui apporta une énorme pile de livres ainsi qu'une tunique elfique en laine de Célios. Le serviteur lui jeta un regard dégouté et fila sans un mot. Après ses ablutions minutieuses, il se coucha et pour une fois, bercé par la nuit à travers la fenêtre à demi ouverte, il se sentait en sécurité, relative certes mais protégé tout de même.

Fin du RP, attribution des points

Argawaen: 10
Blake: 10

» L'inconnu [PV Argawaen]
» I want to bleed you ! [Drake, Argawaen]
» Les volcans appelent des expériences. [Argawaen][CLOS]
» Réminiscence d'une journée particulière [PV Argawaen Ly'llandril]
» Argawaen le sanglant, ou le parfait équilibre entre le noir et le blanc...